L'homme est composé du corps et de
l'Esprit. L'Esprit est l'être principal, l'être de raison, l'être intelligent.
Le corps est l'enveloppe matérielle que revêt temporairement l'Esprit pour l'accomplissement
de sa mission sur la terre et l'exécution du travail nécessaire à son
avancement. Le corps, usé, se détruit, et l'Esprit survit à sa destruction.
Sans l'Esprit, le corps n'est qu'une matière inerte, comme un instrument privé
du bras qui le fait agir, sans le corps, l'Esprit est tout : la vie et
l'intelligence. En quittant le corps, il rentre dans le monde spirituel d'où il
était sorti pour s'incarner.
Il y a donc le monde corporel composé
des Esprits incarnés, et le monde spirituel formé des Esprits désincarnés. Les
êtres du monde corporel, par le fait même de leur enveloppe matérielle, sont
attachés à la terre, ou à un globe quelconque. Le monde spirituel est partout,
autour de nous et dans l'espace, aucune limite ne lui est assignée. En raison
de la nature fluidique de leur enveloppe, les êtres qui le composent, au lieu
de se traîner péniblement sur le sol, franchissent les distances avec la
rapidité de la pensée.
Les Esprits sont créés simples et
ignorants, mais avec l'aptitude à tout acquérir et à progresser, en vertu de
leur libre arbitre. Par le progrès, ils acquièrent de nouvelles connaissances,
de nouvelles facultés, de nouvelles perceptions, et, par suite, de nouvelles
jouissances inconnues aux Esprits inférieurs. Ils voient, entendent, sentent et
comprennent ce que les Esprits arriérés ne peuvent ni voir, ni entendre, ni
sentir, ni comprendre. Le bonheur est en raison du progrès accompli, de sorte
que, de deux Esprits, l'un peut n'être pas aussi heureux que l'autre,
uniquement parce qu'il n'est pas aussi avancé intellectuellement et moralement,
sans qu'ils aient besoin d'être chacun dans un lieu distinct. Quoiqu'étant à
côté l'un de l'autre, l'un peut être dans les ténèbres, tandis que tout est
resplendissant autour de l'autre, absolument comme pour un aveugle et un voyant
qui se donnent la main : l'un perçoit la lumière, qui ne fait aucune impression
sur son voisin. Le bonheur des Esprits étant inhérent aux qualités qu'ils
possèdent, ils le puisent partout où ils se trouvent, à la surface de la terre,
au milieu des incarnés ou dans l'espace.
Le bonheur suprême n'est le partage des
Esprits parfaits, autrement dit des purs Esprits. Ils ne l'atteignent qu'après
avoir progressé en intelligence et en moralité. Le progrès intellectuel et le
progrès moral marchent rarement de front mais ce que l'Esprit ne fait pas dans
un temps, il le fait dans un autre, de sorte que les deux progrès finissent par
atteindre le même niveau. C'est la raison pour laquelle on voit souvent des
hommes intelligents et instruits très peu avancés moralement, et
réciproquement.
L'incarnation est nécessaire au double
progrès moral et intellectuel de l'Esprit : au progrès intellectuel, par
l'activité qu'il est obligé de déployer dans le travail, au progrès moral, par
le besoin que les hommes ont les uns des autres. La vie sociale est la pierre
de touche des bonnes et des mauvaises qualités. La bonté, la méchanceté, la
douceur, la violence, la bienveillance, la charité, l'égoïsme, l'avarice,
l'orgueil, l'humilité, la sincérité, la franchise, la loyauté, la mauvaise foi,
l'hypocrisie, en un mot tout ce qui constitue l'homme de bien ou l'homme
pervers, a pour mobile, pour but et pour stimulant les rapports de l'homme avec
ses semblables. Pour celui qui vivrait seul, il n'y aurait ni vices, ni vertus,
si, par l'isolement, il se préserve du mal, il annule le bien.
Source : Extrait de la Revue
Spirite de mars 1865